mardi 1 octobre 2013

Jean-Luc Persecuté- version révisée

Jean-Luc persécuté (R. Martic)

1. Après que Jean Luc Robille eut mangé, il prit son chapeau et son bâton, car c’était convenu qu’il irait ce dimanche à Sasseneire pour voir une chèvre. Ainsi il donna un baiser à sa femme (car il l’aimait beaucoup et ils étaient mariés  seulement ). Elle lui demanda :
-          Quand seras-tu de retour ?
Il répliqua :
-          Vers six heures. Maintenant il faut que je me dépêche, parce que Simon m’attend et il n’aime pas quand on le fait attendre.
Mais avant qu’il sortît de la maison, il pénétra la chambre sur la pointe des pieds et alla vers le berceau, où le petit dormait, qu’ils avaient une année auparavant. « Fais attention ! » cria Christine. Il s’avait déjà penché, mais il ne l'emrassa point, comme il l’aurait justement voulu le faire, il le regarda seulement comme il dormait. C’était un garçon fort de onze mois et deux semaines (c’est que, au début, on compte encore les semaines et jours), ses joues étaient comme vernies et la grande tête ronde était couchée sur le coussin. Jean-Luc avait fait le berceau lui-même, il était menuisier et il avait travaillé dans ce métier avant qu’il ne reprût pas la maison de sa mère. Ainsi il resta un moment, penché au-dessus du berceau, puis il alla en arrière à travers la cuisine et ouvra la porte de la maison. « Adieu, femme », dit-il et embrassa Christine encore une fois.
[…]
Il arriva  à la maison plus tôt que prévu, monta l’escalier, poussa sur le loquet, la porte était close.
Il songea : « Elle sera allée chez Marie », et, se baissant, il prit la clef sous le tas de bois, là où on la cachait. Puis il pensa : « Je veux voir si elle est chez Marie. » Il ne l’y trouva pas, et Marie n’avait pas vu Christine, ni son mari, qui était en train de lire le journal, leva les yeux et dit à Jean-Luc, car il aimait à plaisanter : « Quand on a une femme, il ne faut pas la laisser seule. » Jean-Luc n’avait rien répondu, il était inquiet.
                             (d’après C.-F. Ramuz, de « Jean-Luc persécuté »)
2. grammaire
après que + indicatif
avant que+ subjonctif
applications des temps : arrière-fonds: imparfait
et dans les actions, car il s’agit d’un récit : passé simple
années vs. ans: on peut aussi utiliser le mot ans, mais « années » marque la durée plus fortement qui me semblait important ici.

3. Cinq lignes sur le thème:

Charles Ferdinand Ramuz (1887-1947) est un écrivain et poète suisse qui est surtout fameux pour son style extraordinaire. Il est réputé avoir introduit l’oralisation de la littérature (avec Balzac et Céline), c’est la raison pour laquelle ses textes n’ont longtemps pas été à Paris (« on entend parler les paysans. »). Ses textes sont très imagés, il a une vision poétique qui est pleine de symboles. « Jean-Luc Persécuté » (1908) a été adapté au cinéma par Claude Goretta dans les années soixante.  

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire