mardi 19 novembre 2013

La Grande Vadrouille par Sofian B. (version révisée)


Le film en bref
Nom du réalisateur : Gérard Oury

Année de sortie : 1966

Scénariste(s) : Gérard Oury, Danièle Thompson, Marcel Jullian
Récompenses : Prix du meilleur film étranger au festival de Taormina (1966), Plaque d’or aux David di Donatello (1967), Meilleur film étranger au Golden Screen (1977)

Réception publique et critique : La Grande Vadrouille fut – dès l'annonce de sa sortie – grandement attendu. Une nouvelle fois, Gérard Oury mettait en scène Louis de Funès et Bourvil, un duo qui avait génialement réussi dans le film Le Corniaud. Les attentes étaient alors très hautes. Le film sortit en salles le 1er décembre 1966 et les premières semaines d’exploitation furent un succès absolu. Même la critique se trouva être unanime, à l’étranger également. Le tandem comique attira, avec son film, plus de 17 millions de spectateurs ; à l’époque, cela fut un record, du jamais vu. Le record tint jusqu’à la sortie en salles de Titanic, une trentaine d’années plus tard.

Choix de deux séquences
Première séquence
C’est la scène qui montre comment Augustin Bouvet est entraîné malgré lui dans une affaire qui va le mettre en danger – il sera chassé par les Nazis. J’ai choisi cette scène, parce qu’elle se trouve tout au début de l’intrigue du film et parce qu’elle entre dans un rapport dialectique fort avec la déclaration d'amour de la deuxième scène que j'ai choisie.

Deuxième séquence
La deuxième scène choisie montre l'intimité en temps de guerre : ce moment de la vie privée d’Augustin Bouvet où il avoue son amour à son aimée. Malgré les ennuis qu’il a en fuyant les Nazis, il est capable de voir le côté fascinant de la vie et de vivre de beaux moments. J’ai choisi cette séquence, parce qu’elle montre fort bien que derrière la façade de l’homme, d'une victime de la guerre, se passe une vie privée, qui montre un être humain tout à fait normal.


Résumé et importance des séquences
Première séquence
Nous voyons un défilé de Nazis prêts à accueillir un supérieur. Juste au-dessus, l’aviateur anglais Peter Cunningham a atterri sur la cage d’ascenseur d’Augustin Bouvet (à savoir André Bourvil) qui était en train de peindre la façade d’un bâtiment. Ce premier commence à remonter la cage d’un seul côté, ce qui a comme conséquence qu’un seau de peinture chute et tombe exactement devant les pieds du dit supérieur Nazi. Celui-ci interprète cet acte comme du sabotage et ordonne de capturer Bouvet et Cunningham qui prennent alors la fuite. Or, avant de s’enfuir, Bouvet répond à Peter qui le somme de sauver sa peau : « Oh non, pas de question, hein ! » Le coup de théâtre de cette scène a lieu quand Peter est blessé par une balle de fusil et demande de l’aide : c’est à ce moment-là que Bouvet décide de l’aider et de lui sauver la vie. Le jeu du chat et de la souris commence.
Nous changeons alors de lieu et nous retrouvons ces deux fugitifs sur les toits, essayant de trouver un chemin de fuite.

Cette scène est très importante parce que c’est là que l’on voit comment la vie d’un simple Français qui n’est ni « collabo[rateur] horrible, ni beau résistant chevaleresque », mais un homme qui essaie de gagner sa vie sous le régime nazi, peut basculer très rapidement dans le tragique : on veut l'arrêter à cause d’un aviateur anglais. Néanmoins, une sorte de solidarité commence à se manifester entre Augustin et Peter ; c’est cette solidarité, résultant de la scène en gestion, qui produira la suite de l’action et entame le tricotage du fil conducteur de notre fil.
Or, il faut regarder le ‘coup de théâtre’ de plus près. D’abord, Bourvil semble vouloir se livrer aux Nazis, avec l’idée qu’il n’a rien à craindre. Cependant, il constate qu’on ne lui fera pas grâce, ce qui le mène à s’enfuir. Cela nous rappelle, en quelques courts moments, la cruauté des Nazis envers toute personne qui semblait leur nuire. C’est donc une scène qui – à de faire rire – comporte des vérités sur le régime Nazi en France.
De surcroît, cette séquence résume, en quelque sorte, toute l’action du film. Elle marque le début d’une chasse que j’ai décrite comme je du chat et de la souris, une sorte de Tom et Jerry (comme le dit Gérard Oury dans une interview) qu'on retrouvera plus loin. Si l’on regarde la comédie plusieurs fois, on voit que cette scène anticipe la totalité du film : la petite souris, représentée par de simples hommes, donc Cunningham et Bouvet, échappe toujours au grand chat, représenté par le pouvoir nazi.

Deuxième séquence
Le premier plan de séquence montre Augustin Bouvet (Bourvil) et Stanislas Lefort (de Funès) couchés dans le même lit. Il faut savoir que Lefort s'élève énérgiquement contre cette situation, parce qu’il a toujours l’impression d’être supérieur à Bouvet et qu’il fallait respecter son souhait de ne pas partager son lit avec un simple peintre. Mais comme c’est la guerre, il doit accepter cet état de fait qui l'humilie. Bouvet commence à parler de mariage et est convaincu qu’après la guerre, il épousera Juliette (fille de la patronne). Comme il a fait sa connaissance en fuyant les Nazis, il dit même que « la guerre a du bon ».
Après un instant, Lefort se lève pour aller manger ; il ne voit aucun danger à se promener dans l’hôtel plein de Nazis, car la patronne l’a fait passer pour son mari afin de le sauver. Bouvet, amoureux de Juliette qui l’a fait, de même, passer pour son mari (deux fois déjà), décide d’aller lui rendre une petite visite pour lui avouer son amour. Il y va en faisant semblant d’être somnambule. Après être rentré dans la chambre de Juliette, il raconte comment il a, pendant la guerre, « rencontré une blonde » qui l’a fait passer pour son mari afin de lui sauver sa vie. Pour authentifier son état, il lui raconte que la guerre est déjà finie et qu’il faut fêter cela tout en l’embrassant. Or, Juliette s’en rend compte et le renvoie au lit.

Cette scène est importante et particulièrement intéressante, car elle montre bien que la vie privée d’un fugitif n’est pas forcément privée de bonheur et surtout d’espoir. Ce bonheur et cet espoir sont incarnés, à ce moment, par Bouvet. Il s’agit, comme nous verrons, de deux espoirs : Bouvet souhaite premièrement avoir accès au cœur de Juliette et, par conséquent, l’épouser; deuxièmement, en dépit du fait que cela soit un peu caché, il a le vœu que la guerre soit terminée (malgré le comique et l’ambiance romantique de la scène, il ne faut pas oublier sa situation : il est recherché par les Nazis). Il semble que cette scène est représentative à un grand nombre de destins – semblables à celui de Bouvet – de soldats ou d’autres fugitifs qui font la connaissance de femmes, qu’ils doivent par la suite laisser tomber, vu que leur situation ne leur permet pas de rester dans la France de Vichy.
La scène montre que, disons-le dans les paroles de Bouvet, « la guerre a du bon », faisant allusion au fait qu’elle peut réunir assez de hasard les cœurs de personnes qui s'aident les unes les autres, tandis que la première scène montre le contraire : l’absurdité de la guerre et la cruauté des Nazis.

Explications/ interprétations/ recherches du film dans sa totalité
Explication du film I
La Grande Vadrouille montre très bien que deux personnes, que tout oppose, dont une se prend pour un personnage meilleur que l’autre, qui ne s’aiment pas vraiment, sont, à partir du moment où ils sont accusés de collaborateurs avec les Anglais et, par conséquence, pourchassés par les Nazis, mises à niveau égal et dépendent soudainement l’une de l’autre. La guerre fait d’elles des Français qui partagent un même destin : ils sont des fugitifs malgré eux, et presque forcés d’être des résistants, bien qu’ils n’eussent ni la volonté ni les moyens d’en être. Il se manifeste à plusieurs reprises que dans leur nature, Bouvet et Lefort ne s’aiment pas vraiment et que Lefort se donne toujours plus de valeur qu’à son compagnon. Mais cette répulsion de l’autre est plusieurs fois mise à l’épreuve quand, soudainement, la solidarité entre eux (due à leur situation partagée) dépasse l'aversion entre eux : alors ils se sauvent la vie.
Ce film montre un impact très fort de la guerre au niveau microsocial : la société est totalement bouleversée et la place d’une personne plongée au coeur de la guerre ne dépend plus du niveau intellectuel ou du nombre des diplômes, mais du fait que l’on collabore avec les Nazis ou que l'on compte parmi les résistants.

Recherche sur le film II
(source : Documentation « Il était une fois… Louis de Funès », publiée en janvier 2013 sur la chaine TMC)
Le film connut un tel succès probablement, par ce qu'il mêle des ingrédients qu'il exploite à son complet avantage. Tout d’abord, il faut savoir que le duo de comédiens, composé de Louis de Funès et de Bourvil avait déjà réalisé ensemble Le Corniaud, un film dont l'intrigue se réalise en Italie et en France et qui avait connu, à l’époque, un succès phénoménal et, qui plus est, avait pu compter sur un budget qui dépassait grandement les sommes habituelles. Il fut manifesté que les deux personnalités qui se cachaient derrière de Funès et Bourvil jouaient parfaitement ensemble pour produire d’excellentes comédies. Malgré qu’il s’agît de deux caractères très forts et exigeants, ni l’un ni l’autre recula devant l’autre, leur forte amitié leur permit de jouer de très fortes scènes qui menèrent à un film couronné de succès. Quand on annonça l'intention de réunir de Funès et Bourvil dans un autre film du réalisateur Gérard Oury, qui savait qu’il « tenait de l’or entre [ses] mains », le public avait attendu un film au niveau ou supérieur même au Corniaud. Par conséquent, les salles étaient pleines pendant les premières semaines d’exploitation.
À ce moment se mit en marche le deuxième « moteur » de La Grande Vadrouille : son sujet. Le film raconte l’histoire, selon Oury réaliste, une histoire donc qui aurait pu se passer vraiment, de deux Français qui étaient tirés malgré eux dans une affaire qui est trop grande pour eux ; soudainement, ils se trouvent en position de petits résistants, fuyant devant les Nazis, accusés de collaboration avec des aviateurs anglais. Pendant leur fuite, ils sont capturés plusieurs fois, mais par des actions de l'aviation anglaise, ils se libèrent à chaque fois. Il s’agit donc d’un film véridique en un sens, mais en un autre sens d’un dessin animé, dû au fait que nous nous rappelons Tom et Jerry quand nous voyons les petites souris s’échapper de scène en scène. La légèreté avec laquelle la Deuxième Fuerre mondiale est traitée (compte rendu qu’à l’époque de la sortie du film on ne se trouvait pas si loin de la fin de la guerre) semble être une composante très importante de son succès ; hormis quelques moments de suspense, le spectateur est amusé, sans interruption pendant plus de deux heures.

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